LA RELIEUSE DU GUE
"Mathilde délaisse une carrière prometteuse de diplomate pour ouvrir un atelier de reliure dans un village de Dordogne. Cuirs, fibres de bois, feuilles d'or et pigments accompagnent désormais le quotidien de la jeune femme qui restaure avec passion et minutie les ouvrages qu'on lui confie.
Un matin, alors que la pluie bat le pavé de la ruelle, un visiteur franchit le seuil de l'atelier. Un homme d'une beauté renversante et enveloppé d'un parfum de fougère et de terre fraîche. Celui-ci lui remet un livre ancien pour restauration et disparaît.
Un bon relieur est quelqu'un qui ne lit pas disait le grand-père de Mathilde. Et pourtant, comment résister à la tentation de plonger dans ce mystérieux ouvrage relié à l'allemande, offrant des dessins représentant un fanum, antique lieu de culte gallo-romain, et dissimulant dans sa reliure une liste de noms à l'origine inconnue ?". (4e de couverture)
Voilà une belle histoire de transmission d'un grand-père à sa petite-fille autour du métier de relieur. Par fidélité et par amour pour ce grand-père qu'elle admirait tellement, Mathilde lâche tout, reprend les outils du vieil artisan et va s'installer dans un petit village de Dordogne.
J'ai beaucoup aimé la description minutieuse de son travail, je me suis surprise à penser qu'il me plairait d'apprendre la reliure. J'avais l'impression de suivre ses gestes au-dessus de son épaule, de respirer les odeurs, de toucher les outils et les matières ...
"J'organisai mon outillage. Eponges, boîtes contenant les feuilles d'or, coussinet, mes deux billots sur lesquels on couche les deux couvertures laissant tomber au milieu le bloc de feuillets. Je préparai mon composteur, l'outil où je coucherai les caractères composant les titres et les noms des auteurs. Pour l'heure, je n'allumais pas le réchaud amélioré par mon grand-père pour chauffer mes fers à dorer mais pour préparer une colle de pâte fraîche, mélange de farine et d'eau. Je laissai refroidir puis je l'appliquai sur le dos de mes livres, à l'endroit où je coucherais l'or".
Mathilde ignore tout de la vie dans un village et sa découverte des principaux habitants ne manque pas de saveur : son voisin le boulanger, Melle Billon la quincaillère avec ses clous et ses boulons que l'on ne trouve plus nulle part ailleurs .. l'horloger, tous son attachants. Mais elle a aussi affaire à des notables qui se prennent pour les seigneurs du lieu et dont dépend la survie de sa jeune installation.
L'intrigue elle-même se déroule comme un long fleuve tranquille, à un rythme calme, malgré les péripéties de plus en plus désagréables qui jalonnent sa recherche autour de l'identité du livre apporté par le mystérieux visiteur. Les noeuds vont peu à peu se défaire, révélant une vieille histoire peu reluisante. Ce qui est intéressant, c'est qu'il semblerait que Mathilde devait passer par toutes ces épreuves pour "légitimer" son installation de relieuse et se reconnaître le droit d'exercer cet art. C'est en tout cas de cette manière-là que j'ai interprété le livre.
Le récit est par ailleurs jalonné de citations de Cyrano de Bergerac. Au début, c'est un peu surprenant, puis je me suis rendue compte que je les attendais et qu'elle collaient toujours admirablement à la tonalité du moment.
J'ai juste été un peu agacée par le dénouement de l'énigme et l'apparition un peu trop facile d'un personnage providentiel. Ceci dit, c'est de peu d'importance et n'a absolument pas gâché mon plaisir. Une histoire singulière, une manière de la narrer peut-être un peu trop sage, mais c'est un premier roman qui mérite que l'on prenne le temps de le découvrir.
Je précise que l'auteur, Anne Delaflotte Mehdevi est elle-même relieuse, ce qui explique sans doute qu'elle a su si bien parler de son travail.
Merci à Erzebeth qui m'a donné envie de le lire.
Anne Delaflotte Mehdevi - La relieuse du gué - Gaïa - 2008