LA TROISIEME MISS SYMONS
"Pourquoi est-ce que les gens ne m'aiment pas ?" se demande Henrietta. Vilain petit canard d'une famille victorienne de sept enfants, dont elle est la troisième fille, Henrietta ne possède ni la beauté ni l'art de se faire aimer par les autres. Différente de ses frères et soeurs, elle ne s'entend pas avec eux. Elle trouve alors refuge dans son monde imaginaire, ce qui exacerbe son mauvais caractère et l'exclut un peu plus en éloignant d'elle les personnes qu'elle affectionne. Plus tard, alors que ses frères et soeurs sont mariés et ont des enfants, Henriette va arpenter le monde en quête de quelque chose pour combler son manque affectif. Quel sera alors le destin de cette jeune fille dans une société où les femmes n'ont d'autre porte de sortie que le mariage et la maternité ? (4e de couverture).
Ce roman a été publié pour la première fois en Angleterre en 1913. Il décrit une famille victorienne "type", d'une manière assez impitoyable. Henrietta avait-elle une chance de s'en sortir ? J'ai éprouvé de la sympathie pour elle dans les cinquante premières pages. La manière dont se prépare progressivement sa mise à l'écart est très injuste.
Ensuite, çà se gâte, elle devient l'artisan de son propre malheur. Elle ne parvient pas à maîtriser son mauvais caractère, se montre la plupart du temps bornée, rigide, accrochée à des principes dépassés. Elle a quelquefois une cruelle lueur de lucidité :
"Sa vie, qui lui avait semblé plutôt satisfaisante toutes ces années, lui apparut soudain telle qu'elle était. Elle compara ce qu'elle était devenue à la fillette qu'Ellen avait connue. A l'instar de Jane Eyre, elle dressa "un fidèle portrait d'elle-même, sans atténuer un seul défaut. Elle n'omit aucun trait noir, n'effaça aucune irrégularité disgracieuse". L'après-midi même, tout au long du chemin menant à la maison d'Ellen,, elle avait ergoté, si tant est qu'on puisse ergoter quand personne ne vous contredit, sur diverses dates sans importance concernant William. Cette activité faisait presque autant partie de sa routine quotidienne que son petit-déjeuner. Maintenant cela lui apparaissait comme un signe de la dégradation dans laquelle elle était tombée".
Il est trop tard pour qu'elle puisse changer quoi que ce soit à sa vie et à sa décharge, sa famille ne l'a sans doute jamais vraiment "regardée". Qu'était une fille à cette époque là sans la caution d'un mari et d'enfants ? Je me suis demandée plusieurs fois comment Henrietta aurait vécu de nos jours ? Sa vie aurait pu être très différente, mais peut-être aurait-elle tout de même choisi de laisser libre cours à son caractère difficile.
J'ai aimé l'écriture fluide, le récit coule tout seul et l'auteur décrit précisément la situation avec beaucoup de subtilité.
Merci à Cathulu
La troisième Miss Symons - Flora M. Mayor - Editions Joëlle Losfeld - 2009